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Frédéric Encel a déclaré au JDD que le Hamas pratique une politique désastreuse


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    INTERVIEW. L'attaque du Hamas va-t-elle rebattre les cartes des puissances au Moyen-Orient ? La réponse de Frédéric Encel, professeur à Sciences-Po Paris et auteur d’un « Atlas géopolitique d’Israël » (Autrement), dont la sixième édition est parue en 2023.

    Roquette du Hamas tirée depuis Gaza.

    Roquette du Hamas tirée depuis Gaza. © MAHMUD HAMS / AFP

    Il y a cinquante ans, quasiment jour pour jour, débutait la guerre de Kippour en Israël… Faut-il y voir un anniversaire délibérément choisi par le Hamas ?

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    Je crois que le Hamas se fiche de cette date. En revanche, cette attaque massive a commencé un jour doublement férié, le Shabbat et la fête juive de Souccot. C’est sans nul doute tactique.

    Faut-il y voir une réponse au rapprochement effectué entre Israël et l’Arabie saoudite ?

    Stratégiquement, c’est évident ! Le Hamas est la branche palestinienne sunnite, radicale et politico-militaire des Frères musulmans. Or l’Arabie saoudite fut longtemps l’état le plus intransigeant du point de vue de l’islam sunnite, exportateur du wahhabisme dans le monde, protecteur des lieux saints de la Mecque et de Médine, et représente par ailleurs la principale force de frappe financière et diplomatique dans le monde sunnite. Si ce royaume reconnaît Israël, quelle légitimité théologique et religieuse reste-t-il au Hamas dont tout le discours repose sur la haine ontologique d’Israël et des Juifs ? Tel est le timing du Hamas, qui a toujours joué la politique du pire, y compris lors du processus de paix d’Oslo.

    Est-il possible que le Hamas ait également profité d’une fragilité interne en Israël, liée à d’énormes contestations politiques ?

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    Pourquoi aujourd’hui, alors que Benjamin Netanyahou est en difficulté avec sa réforme constitutionnelle depuis huit mois ? Très honnêtement, ce serait idiot. Il est absolument évident que cette guerre va renforcer le Premier ministre, qui n’a pas d’alternative à l’union autour de lui. Or le Hamas est composé de fanatiques, pas d’imbéciles. Je crois bien davantage à l’hypothèse du timing saoudien.

    Certains évoquent un parallèle avec la guerre de Kippour, en 1973. Est-ce pertinent ? 

    Non. À l’époque, aucun État arabe n’avait reconnu Israël qui, en outre, était un pays en voie de développement. Par ailleurs, nous étions en pleine guerre froide, avec un bloc soviétique qui armait puissamment quantité d’États arabes. Enfin, la question palestinienne n’était absolument pas traitée : ni processus de paix ni Autorité palestinienne. La situation est incomparable, sauf peut-être sur un point précis : la faillite, au moins partielle, des services de renseignement israéliens.

    Justement, Benjamin Netanyahou a souvent agité la menace d’une guerre existentielle avec l’Iran… Au point de négliger la force de frappe du Hamas ?

    Je ne pense pas, parce que les situations sont incomparables.Dans les années 1970, il y avait déjà eu une faillite des renseignements due à une certaine arrogance d’Israël par rapport à la menace. Y a-t-il eu cette fois-ci une forme de dilettantisme ? Nous verrons. Mais de son côté, le Hamas est monté en puissance militaire, ses chefs régnant de manière totalitaire sur la population tout en vivant dans des palais et envoyant leurs enfants étudier à l’étranger ! Peut-être que les responsables israéliens ont pensé qu’ils se contenteraient de cette vie-là, en organisant quelques coups de force pour rappeler leur existence. Or hier nous avons vu l’offensive massive d’une armée quasi nationale. Il faut cesser de voir dans le Hamas une simple association militante, un mouvement politique ou un pôle socio-spirituel, mais bien, tout à la fois, un état-major militaire redoutable et un régime politique fanatique et ultradéterminé. J’ajoute qu’avec de tels moyens matériels, les fonds du Qatar ne servent manifestement pas aux seuls besoins alimentaires de la population…

    Faut-il s’attendre à des réactions dans les pays alentour, à commencer par le Hezbollah ?

    Je n’y crois pas. Quand le Hezbollah attaque, le Hamas ne bouge pas, et inversement, car demeure ce litige théologique dur entre chiites et sunnites. Pour ce qui concerne l’Iran, il faut être réaliste : tout le monde parle d’un conflit entre les deux pays depuis 1979, mais Téhéran se garde bien d’attaquer frontalement l’État hébreu. La Jordanie ne s’élèvera pas contre Israël (en paix depuis 1994), tant sa crainte de l’islamisme est réelle. Et même Mahmoud Abbas n’entreprendra pas de coups de force, lui qui tient à ses bribes de pouvoir et que le Hamas voue aux gémonies ! Je rappelle que l’autorité palestinienne fut victime d’un putsch du Hamas à Gaza en 2007, deux ans après le départ des Israéliens…  Reste, enfin, la Syrie dont l’armée épuisée tente de se battre contre ceux qui relèvent la tête dans le Sud du pays : il est inimaginable qu’ils s’engagent sur l’inexpugnable plateau du Golan. Nous ne sommes définitivement plus dans le schéma de 1973.

    Il existe les accords d’Abraham, qui impliquent Israël et le Maroc par exemple. Cette guerre pourrait-elle rebattre les cartes ?

    Je ne pense pas que le Maroc y renonce, d’abord car le régime est modéré et menacé aussi par les islamistes, ensuite car si le royaume a bien reçu d’Israël la reconnaissance de souveraineté sur le Sahara occidental, celle des États-Unis, obtenue en 2020, pèse bien davantage encore. L’axiome diplomatique, stratégique et identitaire fondamental du Maroc, c’est cette reconnaissance ! Quant aux Émirats, autre poids lourd des signataires des accords d’Abraham, ils ont reçu en contrepartie des F-35 (probablement avec l’appui de Netanyahou), et des renseignements et matériels israéliens ; ils ne renonceront pas pour le Hamas qu’ils détestent pour les mêmes raisons que la plupart des autres États arabes.

    Et comment imaginer la réaction d’Israël dans les jours qui arrivent ?

    Ce n’est pas tous les jours qu’Israël mobilise quatre divisions, dont deux blindées. La seule certitude est la fulgurance de la riposte : Netanyahou n’a pas le choix. D’abord, c’est la crédibilité de Tsahal et de son Conseil national de sécurité qui est en jeu. Ensuite, il fait face à une fronde populaire massive contre son projet de réforme institutionnelle, jusqu’au centre du personnel politique. S’il ne riposte pas de manière efficace et puissante, il signe la fin de sa carrière et sans doute de son pouvoir. Hélas, je crains que le bilan humain ne soit terrible.

    Justement, comment considérer la population palestinienne ? Otage ? Victime ?

    Il est très difficile de répondre à cause du Hamas lui-même : pas de sondages, pas d’élections, pas de contestations possibles malgré quelques manifestations (sévèrement réprimées) contre la corruption. En Cisjordanie, nous n’en savons guère davantage même si le Hamas y est historiquement moins implanté. Je pense que la population est largement otage du Hamas, mais, en même temps, il n’est pas du tout certain que dans les urnes Mahmoud Abbas recueillerait la majorité des suffrages… Son système est moins répressif, mais la corruption y est considérable aussi, et il n’offre par ailleurs aucune perspective politique à sa population face à un gouvernement israélien très nationaliste et hostile à la solution des deux états. Donc le Hamas joue certes la carte de la représentativité, mais je répète qu’en 2007 il fut contraint de perpétrer un putsch afin de prendre le pouvoir. Avec lui, ni l’autorité palestinienne ni Israël ne peuvent négocier sérieusement puisqu’il cherche à les détruire. 

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    Author: James Lawrence

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